« La Princesse met ses chaussettes »

J’avais tenté d’échapper aux stéréotypes de genre avec mes deux grands enfants. Dans les années 1990-2000, ce n’était pas une préoccupation sociale, le contexte n’était guère favorable mais, nourri de cette certitude politico-physiologique qu’il n’y a aucune raison que les filles soient destinées à la danse et aux activités calmes, et les garçons au foot et à l’agitation, j’avais pris garde avec la maman, de tout faire pour ne pas caricaturer le rôle respectif de chaque sexe. Et comme on a eu une fille puis un garçon, on allait voir ce qu’on allait voir. 

Et on a vu. On a vu que ma fille a voulu collectionner les Barbie et a pratiqué la danse. Et que mon fils a transformé rapidement des bouts de bois en pistolet et joué au rugby. 

Il n’y a rien de désespéré dans ce propos, et je reste persuadé que le contexte culturel est pour quelque chose dans tout ça. Le nôtre, car on n’échappe sûrement pas à la manière dont nous-mêmes avons été éduqués, et, qu’on le veuille ou non, consciemment ou pas, on répète des choses vécues dans notre enfance en éduquant à notre tour nos gamins. Et le contexte culturel général : je me souviens que mes grands, bercés par Petit Ours Brun, ont bien compris que Maman Ourse était à la cuisine et Papa Ours dans son fauteuil. 

A l’impossible nul n’est tenu, j’ai fait ce que j’ai pu et j’ai la faiblesse de penser que mes gamins - qui émargent à 24 et 21 ans maintenant - auront à coeur de poursuivre avec leur future progéniture le combat contre les stéréotypes.


La maman joue au foot, le papa fait les courses

Quant à moi je le continue, car j’ai de nouveau un terrain d’expérimentation extraordinaire : ma gamine de 3 ans ! Et là le contexte général s’est amélioré depuis vingt ans. Dans les histoires le rôle respectif des sexes n’est plus aussi marqué que jadis : la maman de Tchoupie joue au foot avec le petit, dans beaucoup d’histoires les papas font les courses ou le repas, bref on sort des lourdeurs anciennes. Ne me reste plus qu’à lutter contre les lourdeurs de ma belle-mère qui s’évertue à dire que « les petites filles adorent quand ça brille ». Non belle-maman, c’est vous qui aimez ce qui brille. Pas ma fille. 

Et pourtant, ma gamine se plaît à dire qu’elle est une « princesse », en posant une sorte de collier sur son tour de tête pour en faire une couronne, et même, plus modestement, en enfilant un jean qui devient donc un « jean de princesse ». Il y a aussi, parfois, des événements majeurs comme « La princesse met ses chaussettes ». C’est elle qui le dit comme ça. Avec un grand sourire. 

Alors je vous le dis, tant que la princesse n’attendra pas passivement son crétin de prince, qu’on pourra courir dans la rue et continuer tous les deux de regarder des matchs de rugby à la télé parce que c’est rigolo ces gens qui se vautrent dans la boue, tant qu’on fera aussi bien des dessins d’arc-en-ciel que de jouer aux petites voitures, tant qu’on fera manger Doudou à la dînette autant qu’on roulera vite à vélo, ma gamine pourra se faire appeler princesse. 

Du moment que je peux contrôler qui sera son Prince Charmant. Rompez. 

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