Ma fille scolarisée dans la privé : ceci est mon corps... défendant


Pour moi, l'école, c'est l'école publique. L'école publique, école de la République, celle de la rencontre des cultures, des milieux sociaux, des origines variées, celle qui apprend le vivre-ensemble, l'égalité et le dépassement de soi. Au moins en théorie, car dans les faits c'est un peu plus compliqué, mais les objectifs, les grands principes, c'est important. J'ai toujours défendu l'école laïque, et dans ma jeunesse j'aurais pu défiler en criant "pas d'avoine pour les moines, pas de blé pour les curés !" C'est vous dire. Mes deux "grands" (aujourd'hui 26 et 22 ans) ont fait toute leur scolarité dans le public aux temps jadis, et ils vont bien, merci.
Avec l'arrivée de ma petite dernière (aujourd'hui 5 ans), je ne me voyais pas imaginer d'autre voie pour sa scolarité. Ma compagne non plus. Sauf que...

Mauvais numéro

Sauf que pour une sombre histoire de trottoir, nous avons dû opter pour le privé. Cela ne se joue à pas grand-chose, j'en conviens. Mais quand même. J'explique. Nous habitons au numéro 3 de la rue "x". A 200 mètres d'une école publique. A l'approche des 3 ans de la choupinette nous nous renseignâmes sur son inscription. Et là, qu'apprîmes-nous ? Que l'école qui nous tendait les bras à 200 mètres n'était pas celle du secteur de notre résidence. Nous aurions habité juste de l'autre côté de la rue, au numéro 4 par exemple, nous étions bons. Pas de chance, nous sommes à la frontière du secteur scolaire, et l'école publique qui nous est attribuée est nettement plus loin. N'écoutant que notre courage et notre abnégation républicaine, nous avions fait le test de partir jusqu'à l'école avec la gamine, à pieds, pour voir le trajet et mesurer le temps. Verdict : un trajet en pente bien casse-figure quand l'hiver installerait son grand manteau blanc de verglas dérapant. Et 20 minutes de marche. Sans compter le retour pour récupérer les bus habituels que nous prenons pour aller au travail.
Autant dire que non, pas possible, tous les matins, de gérer ce timing en le rendant compatible avec nos horaires de travail. Mais voyons, une dérogation allait certainement nous être accordée, l'humanité a dû s'étendre jusqu'au sein de la mairie, la logique va vaincre, la compréhension va fleurir ? Parcourir 20 minutes ou 3 minutes : la différence est telle qu'on va nous répondre "mais ouiiii ! bien sûr, sommes-nous bêtes on va réparer ça".
Eh bien non. Le règlement, c'est le règlement, nous répliqua-t-on. La mairie n'accord que très rarement des dérogations, et il faut monter un dossier béton pour justifier la demande. La commission qui tranchera rendra son verdict fin juin pour la rentrée de septembre.
Alors nous nous sommes renseignés sur l'école privée qui est à 5 minutes de chez nous à pieds. Avec une seule rue passagère à traverser. Petit coup de pression : il fallait s'inscrire avant le verdict de la commission de dérogation à la carte scolaire, nous l'avons donc fait. Et tant pis pour la demande de dérogation, on ne l'a pas tentée.

Cartes truquées

Et voilà comment j'ai mis de côté mes convictions et opté pour le "pratique". La carte scolaire est en théorie le meilleur moyen d'imposer la mixité bénéfique pour un brassage social utile au vivre-ensemble. Sauf que le principe se heurte à la répartition de la valeur du foncier, qui a une fâcheuse tendance à l'uniformité. De ce fait, c'est bien connu, dans les secteurs à dominante HLM l'école sera peuplée d'enfants de familles modestes. Dans les secteurs résidentiels bourgeois, d'enfants de bourges. Exit le brassage social. Et quand la mairie tente d'élargir la sectorisation pour embrasser à la fois des quartiers populaires et d'autres plus "bobos", elle le fait parfois n'importe comment, comme c'est le cas chez nous. Voilà comment la belle idée de l'école républicaine s'écrase sur la capacité qu'ont les bobos comme nous de contourner la carte scolaire, pour des raisons tout à fait légitimes (j'attends les bonnes âmes qui me donneront des leçons, notamment les enseignants qui n'hésitent pas à demander un option "chinois" pour leurs rejetons, afin de permettre une "désectorisation" dans un collège ou un lycée de meilleure réputation que celui auquel leur quartier les rattache).
Bref, nous payons une scolarité, tant pis. Ma fille a appris dès la petite section "Le Divin Enfant", mais elle aura le temps d'apprendre des chansons paillardes avec ses potes de bistrot quand elle sera grande. Sinon je les lui apprendrai moi-même. Finalement je donne de l'avoine pour les moines et du blé pour les curés. Mais j'économie des baskets (pour les 40 minutes aller-retour évités) et des VTC pour arriver à l'heure au boulot. Mon slogan a changé : "Pas d'rafia pour Puma, pas de beurre pour les Uber !" Cela suffit à mon bonheur.

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