Parents antisciences : papy fait de la résistance !

cigognes

Je vous l'ai déjà dit, ma grande fifille, 27 ans, attend un bébé. Donc : je vais devenir grand-père. Il vaut mieux que je me le répète plusieurs fois par semaine pour que je percute que je vais être papy, je vous le dis franchement. Non pas que je ne veuille pas : cela me fait plaisir, et de toute façon je n'ai pas le choix. C'est juste que j'ai du mal à réaliser.

En revanche il y a un truc que je pourrais me répéter pendant des années, je ne le comprendrais pas : pourquoi diable (j'aime bien cette expression surannée, et puis j'ai l'impression que je vais vraiment voir un diablotin apparaître au détour de la phrase), pourquoi diable, disais-je, ma fille veut absolument souffrir à l'accouchement ? Oui : elle compte refuser la péridurale. C'est mieux pour bouger le bassin pour guider le bébé vers la sortie, me dit-elle. Ce à quoi je me suis bien gardé de lui répondre quoi que ce soit : je ne suis pas une femme, encore moins une femme enceinte, et en plus ce n'est pas mon corps. 

Mais quand même, bordel. Pendant des siècles on a répété aux femmes qu'elles enfanteraient dans la douleur, que c'était normal, que c'était leur condition de femme. Un jour un bienfaiteur ou une bienfaitrice de l'humanité invente l'accouchement sans douleur grâce à une piqûre. Le système est convainquant, et relègue les récalcitrantes au rang de bigotes soumises à des rites patriarcaux dépassés. Et là, au 21e siècle, au nom de la liberté de s'affranchir de carcans ou de revenir à un état de nature qui n'existait qu'aux temps préhistoriques (et encore), ma fille fait le choix de l'accouchement d'antan, à peine mâtiné de quelques méthodes pseudo-yoguiques censées atténuer les hurlements, méthodes sans doute pas testées par leurs inventeurs qui, pour le coup, pourraient être des hommes que ça ne m'étonnerait qu'à moitié. 

Le fantasme d'un retour à l'état naturel

A la limite, ce qui m'ennuie ce n'est même pas de savoir quel masochisme étreint ma fille, et d'autres femmes, pour refuser d'emblée la péridurale pour des questions de principe liés à la nature. Après tout, encore une fois, c'est leur corps, elles en font ce qu'elles veulent, c'est elles qui bossent pour porter le bébé et accoucher. Mais c'est cette ambiance anti-scientifique qui va avec, qui me fait peur. Comme les anti-vaccins, qui rejettent un système qui a sauvé des millions de personnes. Comme les gens qui réfutent l'évidence et pensent que la terre est plate. Comme des tas d'autres exemples de refus de faire confiance aux gens qui en savent plus que vous. Pour l'instant on peut en sourire, pour l'instant c'est un choix individuel, qu'on peut qualifier de farfelus, de maso, de n'importe-quoi. Mais un jour ces gens arriveront au pouvoir. Et ce jour-là, leurs croyances ne deviendront plus des options pittoresques. L'anti-périduralisme rejoindra les mouvements réactionnaires d'inspiration ultra-religieuses contre les droits des femmes. L'antiscientifisme en général sera érigé comme un devoir de résistance contre toutes les avancées humaines et nourrira le fantasme d'un retour à un état naturel pur qui n'a jamais existé. Derrière ces mouvements "d'idées", se cachent des totalitaristes qui ne toléreront aucune opposition, puisqu'eux seuls savent ce qui est bon pour le corps et la planète. 

Je ne veux pas être catastrophiste, mais ce simple exemple de refus de la péridurale pour des raisons dites "naturelles" me fait craindre l'arrivée d'une inquiétante génération d'obscurantistes. Sur le fond, la cohérence voudrait que leur prochaine étape soit de refuser la contraception "chimique" pour revenir à des méthodes dites naturelles genre Ogino

A moins que cette étape ait déjà été atteinte...

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